Dans le cadre du projet de loi immigration les associations LDH 77, RESF 77, CDAFAL 77, Turbulences, Attac, Solidaires interpellent les députés et sénateurs de Seine et Marne.
Monsieur le Sénateur,
Vous allez être sollicité pour vous prononcer sur le nouveau projet de loi relatif au droit des étrangers.
Pour nous, citoyens et associations signataires de cette lettre, la lecture de ce texte soulève de grandes inquiétudes tant pour les étrangers eux-mêmes que pour la société française dans son ensemble. En effet, loin de sécuriser leur parcours, il maintient les étrangers dans une situation précaire, soumise le plus souvent au bon vouloir de l’administration. De plus il les désigne comme des fraudeurs en puissance dont la vie privée devrait faire l’objet de suspicion et de croisements d’informations jamais encore envisagés pour une autre partie de la population. Enfin il achève d’en faire des personnes à part en leur réservant un traitement juridique d’exception.
C’est pourquoi nous aimerions vous rencontrer pour vous exposer les dispositions de ce texte qui nous semblent particulièrement dangereuses et dont voici un aperçu :
1. Droit au séjour
Les personnes autorisées au séjour seront maintenues dans une situation administrative précaire et la création d’une carte de séjour pluriannuelle n’améliorera pas leur sort : la délivrance de ce titre sera aléatoire et il pourra être retiré à tout moment sur simple décision du Préfet. Elle ne débouchera pas sur la délivrance « de plein droit » d’une carte de résident.
Les avancées de la circulaire Valls de novembre 2012 concernant les familles ne sont pas reprises dans le projet de loi. Leur sort sera donc encore une fois soumis au bon vouloir de l’administration.
L’évaluation médicale des étrangers demandant un titre de séjour pour soins qui relevait jusqu’ici de la compétence du médecin de l’ARS (ministère de la Santé), garant du respect des droits de la personne malade, sera confiée au médecin de l’OFII, établissement public sous tutelle du ministère de l’Intérieur qui a pour rôle la gestion des flux migratoires et le contrôle des étrangers. Confusion des rôles pour le moins préoccupante.
2. Extension du pouvoir de contrôle des Préfectures
Autre innovation inquiétante, le projet de loi prévoit la possibilité pour les Préfectures de requérir des administrations les plus diverses, et même d’entreprises privées, les informations qu’elles jugeraient nécessaires dans le cadre de l’instruction des demandes de titre de séjour, ou de consulter les données détenues par ces mêmes organismes, ceci au mépris du respect de la vie privée mais aussi de la déontologie professionnelle des travailleurs sociaux.
3. Eloignement
La nouvelle Obligation de Quitter le Territoire (OQTF) avec délai de recours de 7 jours (au lieu de 30) pour certaines catégories d’étrangers limitera dangereusement l’accès au juge administratif et, si l’étranger parvient à déposer son recours dans les délais, la procédure sera accélérée, voire expéditive (examen dans un délai d’un mois par une formation à juge unique).
Est aussi instaurée une interdiction de retour, automatique pour toute personne ayant fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire et qui n’aurait pas respecté le délai qui lui avait été octroyé. Cette mesure revient à sanctionner tout étranger qui contesterait son OQTF devant le tribunal administratif (il dépasserait forcément le délai) et donc à le dissuader de le faire.
Pour rendre les procédures d’expulsion plus efficaces, les préfets disposeront de deux outils complémentaires : la rétention et l’assignation à résidence et ils pourront passer de l’un à l’autre sans limitation de durée. Les policiers auront le pouvoir d’organiser des rendez-vous dans les consulats pour les personnes assignées à résidence et ils pourront les y escorter de force. De même le préfet pourra leur demander d’interpeller à son domicile une personne assignée à résidence pour la conduire à l’avion. Pour cela il devra avoir l’aval du Juge des Libertés et de la Détention, mais la procédure sera non contradictoire.
Pour une personne placée en rétention, l’accès au Juge des Libertés et de la Détention est maintenu au 5° jour de rétention, ce qui rend possibles de nombreuses reconduites à la frontière hors du contrôle de ce juge, gardien de la liberté.
4. Ce dont le projet de loi ne traite pas
Le projet de loi est muet sur une série de questions pourtant cruciales : pas une ligne sur les travailleurs sans papiers, ni sur le retour à une régularisation de plein droit pour les personnes ayant passé de nombreuses années (10 ans) en France, ni sur les parents d’enfants malades, les personnes victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle, ni sur les personnes malades enfermées ou assignées à résidence... Rien non plus sur les taxes exorbitantes dont doivent s’acquitter les personnes étrangères au moment de la délivrance et du renouvellement de leur titre.
Nous ne pouvons approuver un texte qui n’apporte aucune réponse pertinente aux questions que pose l’immigration, qui maintient les étrangers dans la plus extrême précarité et qui fait prévaloir la suspicion et la répression sur le respect et l’effectivité des droits.
Nous, citoyens, ne pouvons nous accommoder des dérives du droit dont ce texte est porteur, qui crée un droit spécifique pour les étrangers.
C’est pourquoi nous sollicitons auprès de vous un rendez-vous sur ces questions avant l’examen du projet de loi au Parlement.
En vous remerciant par avance, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Sénateur, nos salutations citoyennes.
Pour les associations signataires : LDH 77, RESF 77, CDAFAL 77, Turbulences, Attac, Solidaires
soutenues par EELV 77, PCF Front de Gauche agglomération melunaise, NPA